Quelques fois, il me suffit d’être
debout pour qu’un vertige indéfinissable s’empare de moi.
Je ne sais pourquoi je me suis réfugié
si haut perché, jusque dans ma tête. A me faire des idées sur le
monde. Toujours est-il que par mes yeux je me vois dévaler de toute
ma hauteur, à commencer par mes joues creuses qui n’offrent aucune
prises, jusqu’aux lèvres ou il serait encore envisageable de
trouver refuge.
Mais rien n’y fait.
Et je me vois tomber sans que rien ne
puisse, pas même mes épaules, me ramener à la raison et me faire
constater que je n’ai pas bougé d’un poil et que je suis
toujours derrière mes yeux, bien arrimé à ce grand corps.
Je ne connais personne, à part moi,
que de telles sensations accablent.
L’autre jour, je m’étais laissé
griser par la vie, n’ayant pas depuis quelques jours subits la
moindre affliction.
Je me suis mis en tête de vouloir
visiter la région.
Pour se faire,
j’ai sorti du tiroir de la commode une des grandes cartes qui
permet sans avoir pris le moindre ascendants d’observer de haut le
monde. Le simple mortel aurait son esprit occupé par les légendes,
les noms, les lignes pointillés, le tracé des routes ; il
aurait scrupuleusement à l’aide du premier marqueur venu, tracé
son itinéraire au milieu des symboles, mais pensez-vous pour moi,
tout juste dépliée la vaste surface de papier s’est aussitôt
révélé panoramique et vertigineuse. Captivé par ces proportions,
j'avais aussitôt perdu de vu qu'il s'agissait d'une carte et j'étais
comme celui qui vient d'ouvrir la large porte coulissante de l'avion,
ou l'air sauvagement s'engouffre, et réalise qu'il va devoir
effectuer son tout premier saut dans l'intangible vide. Heureusement,
Je fus de peu rattraper par le bureau et la chaise sur laquelle
j’étais encore assis et je dus abandonner l’idée de prévoir ma
route, laissant une nouvelle fois faire le hasard.